Conjuguer Avoir et Être

Je vous propose un petit exercice d’introspection juste pour le plaisir de mettre des mots sur vos priorités en répondant à cette question : qu’est-ce que je désire ardemment dans ma vie, à quoi est-ce que j’aspire profondément ? Si mon intuition est juste et que je ne suis pas trop dans le champ de patate, votre réponse risque de ressembler un peu à ceci : je veux le bonheur, être plus heureux, plus heureuse, avoir des belles relations aimantes et épanouissantes et vivre ma vie avec beaucoup de passion et d’amour !

Maintenant, je vous invite à vous poser une deuxième question : à quoi est-ce que je consacre la majeure partie de mon temps et de mes énergies quotidiennement ? Il y a de fortes chances que votre réponse diffère un peu, peut-être même beaucoup, de ce que vous venez de répondre concernant vos aspirations les plus profondes.

Surtout, ne vous culpabilisez pas et ne prenez pas un rendez-vous en thérapie immédiatement ! C’est normal qu’il y ait un contraste entre nos rêves et la réalité. On se sent souvent coincé entre l’urgent et l’essentiel. Entre ce que j’ai à faire et ce que je veux être. Entre les multiples obligations et ce dont j’ai le goût. La liste de nos IL FAUT et des responsabilités quotidiennes est tellement longue qu’il ne reste parfois plus beaucoup de temps pour les questions fondamentales. Ce qui a pour conséquence qu’on finit par vivre en automates, sans trop se poser de questions.

Bien que cette dichotomie soit très fréquente, elle n’en demeure pas moins inconfortable. Ce décalage peut devenir inquiétant. Qu’est-ce qui se cache derrière l’écart entre nos aspirations et la réalité ? J’esquisse avec vous quelques réflexions. À vous de voir ce qui vous interpelle et vous inspire.

Il me semble qu’un des pièges dans lequel on se retrouve coincé, entre autres, est celui des mirages de notre société de consommation. Si on n’y prend pas garde, on est happé par toute la publicité qui a pour stratégie délibérée, et je dirais même viciée, d’associer dans notre cerveau produits de consommation et le BONHEUR. Quelle tentation … tentante ! On tombe facilement dans le panneau, car c’est précisément au BONHEUR que l’on aspire fondamentalement. Alors, on devient absolument convaincu que l’on a besoin de posséder telle ou telle chose pour être heureux. Si on n’y prend pas garde,  ce besoin de consommer  finit lui-même par nous posséder. Et nous voilà pris dans le piège de la consommation. La période des fêtes en est certainement un des moments le plus orgiaque de l’année.

Le drame, c’est que pour consommer toujours plus, l’homo sapiens est en train de CONSUMER la terre, de la dépouiller de ses ressources. Quel paradoxe ! On consomme pour se sentir plus vivant, sans réaliser qu’on est en train de tuer la VIE sur la terre. Pas toujours sage et intelligent ces humains !

Pourquoi est-ce si facile de se faire prendre par le mirage de la consommation ? C’est que cela touche à un de nos besoins les plus fondamentaux : sentir que l’on a de la valeur et que notre existence est précieuse. De là, il ne reste qu’un pas à franchir pour sentir que l’on existe quand notre vie est remplie (de matériels ou d’activités). Consommer nous permet de nous sentir VIVANTS ! Ou, devrais-je plutôt dire, consommer nous permet d’entretenir l’illusion que nous existons et que nous sommes vivants.

Paradoxalement, ce style de vie centré sur l’avoir et le faire nous laisse vide. On s’est rempli, mais de faux, d’inconscience, de « je fais comme tout le monde pour ne pas me sentir exclu ». Subtilement, cette déconnexion du sacré de la vie et du sens de l’existence entraîne une survalorisation de l’ego au détriment de l’âme.  Ce vide intérieur laisse place en nous à un grand besoin de remplissage. Et le remplissage-consommation est tellement facile aujourd’hui : un petit clic sur le Web, des centres d’achat partout, la facilité des cartes de crédit, la comparaison avec les voisins gonflables, etc… Dur, dur de résister à ces tentations omniprésentes. Difficile, dans ce contexte de compensations artificielles si accessibles, de trouver un équilibre entre AVOIR et ÊTRE. Difficile de cultiver son monde intérieur, ses valeurs profondes et la connexion à son être intime quand l’environnement quotidien déborde de superficialité, d’images fausses et d’inconscience. Si notre mouvement d’affirmer la beauté et la grandeur de notre existence est réellement un besoin vrai et profond, la façon d’y répondre elle, s’apparente à un piège, à une prison que l’on s’est fabriquée collectivement.

Comment sortir de ce cercle vicieux ? Je vous propose un exercice qui pourrait peut-être vous aider. Arrêtez-vous maintenant de lire cet article. Fermez les yeux et pensez à deux ou trois souvenirs de bonheur qui vous sont chers.

Maintenant que vous avez ces souvenirs en tête, je vous convie à une petite réflexion. De quoi sont faits vos plus beaux souvenirs ? Quelle est leur saveur émotive ? Il y a fort à parier que cela concerne de beaux moments que vous avez partagés avec des gens que vous aimez. Que vos beaux souvenirs sont davantage reliés à des moments de grande émotion et de connexion  humaine plutôt qu’à ce que vous possédez. À des moments de paix, de plénitude et d’amour. Ai-je raison ?

Le bonheur ne s’achète pas, on le sait.  Il se vit, se ressent. En fait, il se construit à chaque instant présent. L’essentiel est invisible pour les yeux, nous disait jadis St-Exupéry. En 2017, c’est plus vrai que jamais. Et cet essentiel nous est accessible dans l’ici et maintenant. Je me ferme  les yeux, je respire, je rentre en moi, je sens la vie qui vibre et je me remplis de présence, de quiétude et de gratitude.

Je ne suis pas linguiste, mais comme professionnelle en relation d’aide, je suis convaincue que l’on peut conjuguer AVOIR et ÊTRE afin de donner à sa vie un meilleur équilibre, plus de sens et, surtout, plus de vibration de bonheur et d’amour. Plus on vit de ces moments où il n’y a rien à faire, juste à être là, à se déposer dans la magie de la vie, telle qu’elle nous est offerte à cet instant présent, plus on devient un récidiviste qui veut goûter, encore et encore à cette plénitude d’être !

Linda Léveillée
Professionnelle en relation d’aide psychologique