Fuir ou accepter ?

Normalement, quand on écrit un article dans un journal, notre propos s’ajuste à l’actualité. Dans ce cas-ci, à la période des fêtes. Mais que voulez-vous, quand on s’appelle Linda Léveillée, on aime et on chérit notre liberté et notre autonomie, de même que notre petit côté marginal et notre élan créatif. Dans cette intention de demeurer fidèle à mon mouvement intérieur, l’article que je vous offre porte sur comment faire la paix avec nos blessures de vie et vivre nos souffrances avec plus de conscience.

Tous les êtres humains de la planète recherchent le bonheur et veulent éviter la souffrance. C’est d’ailleurs un des principes fondamentaux du bouddhisme. L’ensemble des grands courants spirituels vont aussi dans ce sens. On se sent tellement mieux quand notre existence baigne dans l’harmonie, l’amour et la joie. Et l’on souhaite tellement s’éviter d’avoir à affronter les problèmes et les lourdeurs de la vie. MAIS, et mon mais est important, la vie, la vraie vie est souvent bien différente des romans-fleuves qui nous laissent croire qu’ils vécurent heureux et eurent de nombreux enfants.

Comme le disait Scott Peck dans son célèbre volume : Le chemin le moins fréquenté, il faut composer avec cette vérité fondamentale que la vie est difficile. En quoi cette compréhension que la vie est difficile nous aide-t-elle à mieux vivre notre vie ? C’est que la prise en compte de cette réalité nous permet d’être davantage dans l’acceptation et l’accueil de ce qui est plutôt que de s’emmurer dans la résistance et le déni.

Le paradoxe avec nos blessures de vie et les souffrances qu’elles engendrent, c’est que plus on les nie et qu’on les fuit, plus elles font du ravage dans nos vies. Un ravage qui, dans un premier temps, se loge dans l’inconscient. En fuyant notre souffrance, on pense qu’on va aller mieux et que cela va nous aider à être plus heureux. Mais mon expérience comme thérapeute en relation d’aide me dit que c’est tout le contraire qui se produit. En apparence on a acheté la paix, mais juste en apparence. Si c’est tranquille à la surface de notre vie, ce que l’on a ravalé, nié ou fui se retrouve pris à l’intérieur de nous. Si vous me permettez l’image, c’est comme si on avalait de la pourriture, du poison. Qu’est-ce que ça fait par en dedans ? Ça contamine, ça rend malade, ça détruit.

Voici quelques-unes des conséquences quand on se coupe de nos blessures et de notre souffrance.
*On perd le contact avec une partie importante de son vécu. On se sent séparé et non plus unifié. On se prive ainsi d’avoir accès à sa pleine humanité. À la plénitude de son être. Ce chemin de fuite conduit souvent à une déconnexion spirituelle.
*On consacre une partie de son énergie à contenir ce que l’on a refoulé. Ce qui a pour conséquence de nous faire perdre une part importante de notre vitalité. De là vient fréquemment une fatigue chronique qui nous gruge et dont on ignore la provenance.
*On tend à adopter un comportement de protection et défensif. Dans nos relations, on peut facilement se sentir attaqué, ce qui nous amène à développer une position de contre-attaque.
*On développe une personnalité de survie, où c’est notre ego plutôt que notre âme qui dirige notre vie.
*On compense dans la consommation, le matérialisme et survalorisation de l’image. On risque aussi de sombrer dans les mécanismes de fuite (boisson, drogue, nourriture, passions excessives, comportements compulsifs, etc.)
*On perd partielle le contact avec la réalité, car on a balayé une partie de son vécu dans l’inconscient. Ce qui entraîne également une perte de connexion avec son authenticité et son expérience intime.

Même si cela demande beaucoup de courage, de volonté et de travail en profondeur sur soi, on a tous les avantages du monde à accueillir et à intégrer sa souffrance plutôt que de la nier et de la ravaler. «Ce que l’on fuit nous poursuit. Ce à quoi on fait face, s’efface».

Cette acceptation permet de passer de la peur à la confiance. De la fermeture à l’ouverture. Cette ouverture à ce qui est procure une plus grande sensation d’être vivant, de même qu’une vie plus gratifiante et un OUI au mystère de notre existence. On passe d’un état de victime à celui de créateur de sa vie. L’acceptation de sa souffrance avec conscience permet de quitter la prison de ses peurs pour récupérer son pouvoir sur sa vie et réaffirmer sa liberté d’exister. Ce qu’on y gagne de plus beau, c’est de vivre dans l’intimité aimante de son être, sans jugement sur ce qui est. Et le plus merveilleux de l’histoire, c’est que plus on est en paix avec soi-même, plus on est en paix avec les autres.

Question de ne pas être trop délinquante, si je reviens sur la thématique de Noël, quel beau cadeau à s’offrir et à offrir aux personnes avec qui nous partageons notre intimité, d’accepter la vie telle qu’elle est, avec ses vagues et ses heurts inhérents, dans une énergie de bienveillance et de conscience !

Linda Léveillée