Je parle, tu m’écoutes. Tu parles, je t’écoute.

Il y a plusieurs mois, j’ai écrit un article sur la communication qui s’intitulait : « Ce n’est pas parce que l’on se parle que l’on communique ». Je terminais celui-ci en m’engageant à en écrire un deuxième pour élaborer un processus de communication qui favorise un niveau profond de communion et de danse humanisante avec l’autre. Le voici.

Commençons par nous situer sur l’importance de la communication. Comme personnes humaines, nous sommes fondamentalement des êtres de relation. Nous avons besoin des autres pour nous dire, nous révéler, grandir et évoluer. Au plus profond de notre âme, nous avons besoin de nous sentir reliés, connectés, en communion. Bien sûr, on peut se « débrouiller » seul-e et faire semblant qu’on n’a pas besoin des autres. Mais c’est un leurre. Une illusion. Un prétexte pour ne plus avoir mal et ne plus être blessé. J’entends tellement souvent dans mon bureau de thérapeute comment la solitude fait peur, qu’elle est lourde à vivre, qu’elle déshumanise. Nous ne sommes pas faits pour vivre isolés et coupés de nos pairs. Notre nature humaine est porteuse d’un gène relationnel. Et qui dit entrer en relation dit nécessairement communiquer avec cet autre, en tête-à-tête, de cœur à cœur, d’âme à âme.

Si toutefois on se permet un petit brin d’honnêteté, on constate rapidement que ce n’est pas si facile que cela de bien communiquer. De créer des relations nourrissantes et épanouissantes avec les gens qui nous entourent. Sinon, on ne vivrait pas tant de conflits, de querelles, de ruptures, de guerres.  Qu’est-ce qui fait que c’est si difficile de bien s’entendre avec autrui ? Entre autres pistes, c’est qu’il y a plusieurs pièges à la communication. J’en énumère quelques-uns, mais la liste est loin d’être exhaustive.

La projection

La projection est probablement un des plus grands pièges dans nos relations. On projette sur l’autre ce que l’on ne veut pas reconnaître en soi. Ce mécanisme de défense est généralement vécu dans une totale inconscience de ce qui nous appartient puisque nous sommes convaincus que c’est l’autre qui a le problème. Ce qui permet d’éviter de se remettre en question et de se regarder en vérité.

La critique

La critique, l’attaque, la lutte de pouvoir sont peut-être les plus connus et les plus utilisés de tous les pièges. On pointe l’autre du doigt, on l’accuse, le blâme et le dénigre. Plutôt que de faire équipe ensemble, on passe en mode défensif et les relations deviennent un champ de bataille sur fond de lutte de pouvoir. Cette stratégie de survie ne fait que mettre de l’essence sur le feu et empoisonne les relations.

L’interprétation

Ce n’est pas vraiment ce que l’autre a dit que l’on entend, mais comment cela résonne en nous. Subtilement on déforme la réalité en l’interprétant à partir de sa propre paire de lunettes. Impossible d’avoir une écoute neutre et objective quand nos oreilles sont biaisées par nos a priori et nos « bibittes ».

Les non-dits

C’est ce que l’on cache sous la table. C’est tabou ou interdit d’en parler. On préfère le silence ou le mensonge pour ne pas révéler ce qui semble trop honteux ou odieux pour être dévoilé. Malgré leur secret, les non-dits sont perceptibles inconsciemment et ont des effets dévastateurs, car ils sont truffés de malaises, d’hypocrisie et de faux-fuyants.

La rationalisation

On parle. On peut même dire beaucoup de choses. MAIS, nos propos émanent de notre tête parce qu’on s’est coupé de notre senti et de nos émotions. On rationalise notre vécu. On existe, sans s’en rendre compte,  en mode survie, déconnecté d’une partie essentielle de soi, pour éviter de contacter ce que l’on a enfoui au fond de son être, qui fait si peur et si mal.

Les doubles messages

C’est l’écart entre ce que l’on dit et ce que l’on pense ou ce que l’on fait. Cela crée énormément de confusion. Particulièrement chez les enfants qui n’ont pas  la capacité de débusquer l’arnaque. Les doubles messages sont source de beaucoup d’insécurité et peuvent engendrer une anxiété prononcée.

Les peurs qui paralysent

On n’ose pas. On ne prend pas de chance. On laisse le passé nous déterminer et on refuse ainsi d’avancer vers l’avenir. On se replie. On se referme. On évite les risques, mais on évite aussi la Vie !

La rigidité mentale

Ce sont les affirmations absolues, les positions ex cathedra, les croyances toxiques. Cette fermeture d’esprit ne laisse pas de place au dialogue. Par exemple, quand une personne utilise régulièrement : «  dans mon livre à moi »,  vous pouvez être certain qu’elle est convaincue de posséder la vérité et, soyez-en bien averti, vous êtes « faite à l’os ». 

La fuite, le retrait, le déni

On se retire dans sa caverne. On coupe la relation. Il n’y a plus de dialogue. On se blottit dans l’inconscience et l’aveuglement. En apparence, cette stratégie d’évitement nous parait plus confortable que de faire face au problème et à notre partie vulnérable. Mais, ce n’est qu’une bombe à retardement.

L’évitement des conflits

Pour ne pas déplaire, par peur d’être rejeté, parce qu’on doute de sa valeur, on se tait et on ne prend pas sa place. On subit, on endure. Avec la très forte probabilité qu’un jour ça éclate. Soit au niveau de la relation … ou de sa santé.

Les attentes démesurées

Tout attendre de l’autre. Espérer qu’il va répondre à tous nos besoins, et ce, sans même qu’on ait à faire l’effort de les exprimer. Dans la dépendance affective, on espère de tout notre cœur que l’autre va répondre à toutes nos attentes et qu’il nous comble de bonheur. Jusqu’au jour où l’on réalise que nous sommes les seuls responsables de notre bonheur et de nos besoins.

Prendre conscience des nombreux pièges dans la communication est une première étape essentielle pour identifier ce qu’il faut éviter. Maintenant voyons ce qui peut grandement aider à une communication riche et gagnante. D’abord, un point très important à ne pas négliger c’est de choisir le bon moment. Cela peut faire toute la différence, car les conditions extérieures influencent grandement notre attitude de réceptivité ou de fermeté.  Surtout si ce que l’on veut partager touche un sujet délicat ou est porteur d’une grande charge émotive et demande à l’autre une grande qualité de présence et d’écoute.

L’élément capital pour vivre des relations authentiques et nourrissantes est certainement de parler au JE. De parler de Soi, de Ses émotions, de Son vécu en demeurant bien connecté à ce qui se passe à l’intérieur de Soi. Ce que je vis m’appartient à 100 %, l’autre n’en est aucunement responsable. Cela est certainement une des plus grandes difficultés dans nos relations intimes. On a la gâchette rapide avec le TU et la tentation est forte d’accuser l’autre de nos états d’âme.

Technique de communication

Pour nous aider à bien réussir nos échanges, je vous présente une technique de communication fort utile dans nos relations intimes, particulièrement quand on a des choses importantes à partager.

  1. La personne exprime ce qu’elle vit, comment elle se sent, en prenant bien soin de parler au JE. De rester connecté à son vécu, en osant se révéler avec ouverture et authenticité. C’est toujours un grand cadeau que l’on offre à l’autre quand on se dépose dans la vérité de son monde intérieur.
  1. La personne qui écoute doit se concentrer exclusivement sur une chose : bien écouter. Cela a l’air niaiseux, mais écouter réellement est super exigeant. On peut facilement se sentir menacé par ce que l’autre exprime, ce qui a pour conséquence qu’on n’est plus dans l’écoute, mais on se place dans un mode défensif en préparant  nos attaques et nos répliques. Le défi de la personne qui écoute est de mettre temporairement de côté ses réactions émotives et de demeurer centrée à accueillir emphatiquement ce que l’autre partage en se mettant dans sa peau.

Dans l’exercice que je vous propose, lorsque la personne qui exprime son vécu a terminé, celle qui écoute a le mandat de résumer ce que l’autre vient de dire avec le plus d’exactitude possible. Ce résumé objectif et global peut inclure des reformulations et des reflets qui permettent à l’autre de se sentir compris et accueilli. Attention aux interprétations, aux déformations et aux « moi je … ». Tout le focus est centrée sur l’autre. Une phrase typique pourrait être : « Si je comprends bien, tu es en train de dire que … »

  1. Ensuite, la personne qui s’est exprimée prend le temps de se situer face au résumé qu’elle vient d’entendre. S’il y a lieu, elle apporte des nuances, des rectifications ou des précisions. C’est très important à cette étape-ci de l’échange, de s’assurer que l’autre nous a bien entendu et compris. Si cela est nécessaire, la personne qui écoutait reprend certains éléments de son résumé avec les précisions qui viennent d’être formulées.
  1. Lorsqu’on s’est assuré que l’on a bien compris, la personne qui écoutait partage ses réactions et nomme comment elle se sent face à ce qu’elle vient d’entendre. Elle exprime (toujours au Je) comment cela se dépose en elle ce que l’autre vient d’exprimer.
  1. Bien sûr, ce processus est circulaire et continu. À tour de rôle, on se met dans la position de l’émetteur et du récepteur en reprenant les mêmes quatre premières étapes. L’intention est de créer un échange fluide et bienveillant.

Cela a l’air un peu enfantin comme processus, mais je vous assure que c’est particulièrement difficile à mettre en application. Si vous saviez le nombre de fois qu’en thérapie de couple je propose cet exercice et que les deux partenaires sont pratiquement incapables de le faire. Quelle est l’utilité d’utiliser cette technique de communication si elle est si difficile à mettre en pratique ? La raison est cruciale, parce qu’un de nos besoins fondamentaux est de se sentir vu, entendu et reconnu. Quand on est réellement écouté et accueilli  inconditionnellement, on sent qu’on a le droit d’être qui on est. On carbure à l’amour et lorsque l’autre nous manifeste qu’il nous a vraiment écoutés avec son cœur, on se sent aimé pour qui on est et cela nous procure un immense sentiment d’avoir le droit d’exister en toute liberté et dans toutes les dimensions de notre être. En plus, être écouté avec attention et bienveillance nous aide à trouver notre propre VOIX/VOIE.

Offrir à l’autre une belle qualité d’attention et d’écoute, c’est une façon bien tangible de lui signifier : « Je t’aime et tu as assez de valeur à mes yeux pour que je t’offre le meilleur de ma présence bienveillante ». Exprimer ses états d’âme en toute authenticité, c’est aussi une façon de signifier à l’autre : « J’ai assez d’estime et de confiance en toi pour te révéler ce qui m’habite dans mes profondeurs ». Aucun doute, bien communiquer c’est aimer !

Linda Léveillée

Professionnelle en relation d’aide psychologique