L’art d’accueillir ce qui est – Passer du OU au ET

Passer du OU au ET.

Mystérieux comme sujet d’article. Pourtant, la différence entre ces deux petits mots est tellement fondamentale et profonde au niveau psychique. C’est la différence entre résister et accepter. Entre la fermeture et l’ouverture. Le contrôle et le lâcher-prise. Le NON et le OUI. En fait, ce dont il est question ici, c’est l’art d’accueillir ce qui est … sans a priori, ni jugement.

 

Parce qu’on a une petite tendance, je dirais même une grosse tendance, nous les êtres humains, à adopter une attitude binaire dans notre vision de la vie. Nous raisonnons d’une façon bipolaire. J’aime ou j’haïs. C’est oui ou c’est non. C’est bien ou c’est mal. Comme si la vie se divisait en deux catégories opaques. Le bien et le mal. Le positif et le négatif. Les films de Walt Disney nous ont bien nourris dans cette dichotomie où les personnages sont clairement divisés en deux clans : les bons et les méchants. C’est ainsi qu’on a tendance à classer bien des réalités de la vie dans des catégories qu’on tient en opposition. Nos émotions n’y échappent pas. On a catégorisé qu’il y en a des bonnes et des mauvaises. On valorise les unes et fuit les autres. Pas de problème à ressentir de la joie, du bonheur, de la gratitude et de la légèreté. Mais nous fuyons comme de la peste de nous sentir souffrant, faible, triste et malheureux. En sélectionnant les émotions, que l’on qualifie de positives ou de négatives, on ne réalise pas que l’on tombe dans un piège bien dangereux. Le piège de s’amputer de toute une partie essentielle de son humanité. Piège de refuser de faire face à la réalité. Dans ce déni, on ose même faire de l’ego l’ennemi de l’âme. Le rationnel s’oppose au senti. Le mental au spirituel. La vie est tellement plus vaste, plus complexe et plus globale que ce que Walt Disney nous laisse croire.

 

Nous sommes faits d’ombre et de lumière. Du meilleur et du pire. Ces multiples polarités sont inhérentes à notre condition humaine. Passer du OU au ET réclame d’accueillir tout ce qui est. De laisser cohabiter en nous ce qui, en apparence, a l’air opposé. La tristesse et la joie. La force et la fragilité. La souffrance et le bonheur. Laisser de la place à tout ce qui est là. Sans sélectionner. Sans porter des jugements sur ce qui est bon et ce qui ne l’est pas. Passer d’un mouvement d’exclusion à un mouvement d’inclusion. Donner le droit à tous nos états d’âme et à nos émotions d’exister telles qu’elles sont. Oser habiter tous les recoins de notre être. De la même manière qu’on habite toutes les pièces de sa maison.

 

Dans cette perspective, le mouvement de la pensée positive, si on n’y fait pas attention, devient un leurre. À vouloir être positif à tout prix, on occulte toute une partie de la réalité. On tombe dans le déni et la fuite. On refuse d’affronter nos démons et de faire face à ce qui fait mal. On entre en guerre contre soi. En décidant de contrôler ce qui est acceptable de ce qui ne l’est pas, on se coupe de notre vérité intérieure. Au prix de gros efforts, on fait semblant, mais on a juste ravalé. On n’a rien réglé, on a choisi d’enfouir. On n’a pas pris le temps nécessaire pour accueillir et intégrer. Ce positivisme artificiel va à l’encontre des propos de Scott Peck qui dans son bestseller, Le chemin le mois fréquenté, affirmait d’entrée de jeu que la vie est difficile. Refuser d’admettre cette réalité, c’est jouer à l’autruche. C’est donner raison à Blaise qui constatait l’évidence : « qui veut faire l’ange fait la bête. »

 

Qu’est-ce qui nous amène à avoir tant de difficulté à assumer l’entièreté de la macédoine d’émotions qui nous habite ? Certainement la peur. La peur du jugement des autres. Qu’est-ce qu’on va dire de moi si je me révèle faible, triste et déprimé ? Pour éviter d’être jugé et de répondre à son besoin de plaire et d’être accepté, on joue au jeu de la cachette. Mais ce n’est pas juste avec les autres que l’on joue à la cache-moi-les-émotions, c’est aussi avec soi-même. On refuse de se donner accès à sa tristesse et à sa fragilité de peur qu’elles nous anéantissent. Comme si, à nos yeux, cela augmentait considérablement le danger en menaçant notre fragile écologie psychique, de s’avouer simplement qu’on ne se sent pas bien et qu’on a mal. En réalité, on a peur de perdre le contrôle face à notre souffrance, croyant que celle-ci pourrait dégénérer en tsunami.

 

Si cette stratégie d’évitement des émotions désagréables peut être, à court terme, un camouflage sécurisant, à moyen et à long terme, elle est très corrosive. Ce que l’on n’assume pas, tôt ou tard nous « pètera » en pleine face. En sélectionnant la gamme des émotions que l’on considère acceptables, on se coupe de toute une partie de notre vie intérieure. On vit déconnecté d’une part essentielle de notre expérience humaine. On vit à moitié. Et la moitié qui nous manque fait partie de notre précieux patrimoine psychologique. Je vous l’assure, il est pas mal plus dangereux de conduire sa vie les yeux fermés que les yeux ouverts.

 

Si on ne veut pas vivre coupé et anesthésié de soi, il est impératif d’apprendre à se réconcilier avec tout ce qui vibre en nous. Dans une démarche de pleine conscience, le premier mouvement est d’observer ce qui se passe en soi et de l’accueillir, sans jugement. Faire de la place à tout ce qui est. Embrasser la plénitude de son expérience. Être dans le ET inclusif et non pas dans le OU binaire et exclusif. Respirer avec ce qui est là. Rester présent et laisser exister. Dans cette présence attentive et bienveillante, il y a de fortes chances que l’émotion s’apaise et diminue en intensité. Ce premier mouvement d’accueil inconditionnel à ce qui est permet, dans un deuxième temps, de discerner les attitudes gagnantes à développer et les actions à entreprendre afin de vivre en harmonie avec ses valeurs et le sens de son existence. S’en suit, un travail minutieux de désherbage de ses pensées et croyances malsaines et dysfonctionnelles, qui se retrouvent souvent à l’origine de nos réactions émotives. Ce sera le sujet d’un prochain article : l’art d’accueillir tout ce qui m’habite, en choisissant volontairement ce que je veux nourrir et entretenir.

Pour terminer, je vous propose une image pour illustrer la beauté et la puissance du mouvement d’accueil à ce qui est. Ouvrez grand les bras, comme si vous teniez un gros ballon d’entraînement. Visualisez que ce grand espace ouvert contient et inclut TOUT ce que vous ressentez. TOUS vos états d’âme peuvent cohabiter ensemble. Ils sont tous les bienvenus. Votre cœur, au milieu de cet espace d’accueil inconditionnel diffuse de l’amour à tout ce qui est là. Dans cet espace bienveillant où tout est permis, vous respirez paisiblement dans l’acceptation de ce qui est. Un moment parfait de pure présence !

 

Bonne rencontre avec vos parts d’ombre et de lumière. Les accueillir et les laisser cohabiter dans votre intimité, vous permettra de toucher un sentiment grisant : celui d’être 100 % libre d’exister !!! Sans entrave et sans retenue. Rien à prouver et rien à justifier. Juste ÊTRE !!!

 

Linda Léveillée

Professionnelle en relation d’aide psychologique

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