Mon amie Denise

Je connais Denise depuis plus de 25 ans. Nous avons fait nos études universitaires en psychologie ensemble. C’est là que nous nous sommes rencontrées. Au fil de toutes ces années d’amitié, notre relation est demeurée bien vivante et nourrissante. J’aime beaucoup Denise. J’apprécie chez elle son pétillement de vie, sa légendaire créativité, la qualité de son être et plein d’autres belles facettes d’elle.

Il y a environ quatre mois, elle m’appelle pour me dire qu’elle va se séparer et que cela risque de causer chez elle un grand tremblement de terre. Anticipant les vagues que la séparation risque de déclencher, elle prend l’initiative d’appeler quelques-unes de ses amies pour la soutenir en cas de détresse. La connaissant, je suis touchée de sa demande. Je la félicite de prendre soin d’elle d’une façon aussi bienveillante. Je suis honorée de la confiance qu’elle me témoigne et je la rassure que je serai là pour elle si elle en a besoin. Pour toutes les fois où c’est elle qui m’a portée dans mes moments de dérapage depuis les 25 dernières années, c’est la moindre des choses que ce soit à mon tour de lui rendre la pareille.

Je m’attendais, dans les semaines suivant sa demande, d’avoir des petits appels à l’aide de sa part. Mais non. Évidemment, je prends l’initiative de l’appeler à quelques reprises pour prendre de ses nouvelles. Malgré quelques vagues de mal à l’âme, elle semble bien s’en tirer. Aussi, les mois passent sans que Denise fasse appel à mes services de soutien en cas d’urgence émotionnelle.

Toutefois, un certain samedi soir où je suis en train d’écouter les nouvelles à la télé avec mon chum, le téléphone sonne et c’est mon amie Denise. Linda, j’ai besoin de toi, je me sens en détresse. Discrètement, je fais un petit signe à mon chum que je vais descendre dans mon bureau pour parler au téléphone. Denise frappe un mur cette fin de semaine-là. La solitude lui pèse lourd. Elle se débat avec le vide, le manque. Ses émotions sont à fleur de peau. Je la sens très fragile. Cela fait quelques années que Denise sait qu’elle doit mettre fin à sa relation de couple qui est devenue de moins en moins nourrissante. Elle n’en a pas eu le courage jusqu’à présent, car le face-à-face avec elle-même l’effraie. Un face-à-face qu’elle est maintenant obligée d’affronter même si cela fait mal et lui donne un peu le vertige d’exister.

Je l’écoute avec grande attention me partager comment sa solitude lui pèse lourd et ce qui fait mal en dedans d’elle. Après un certain temps, je lui confie : Denise, cela fait des mois que j’attends ce téléphone de détresse. Elle est surprise de ma réaction. Oui, Denise, c’est normal d’avoir mal quand on se sépare, de se sentir fragile et démunie. J’ose même lui dire que je la trouve très belle de me partager avec authenticité toute sa souffrance. Tu me fais un beau cadeau Denise d’enlever ton masque de femme forte et de te déposer avec moi dans toute ta fragilité. C’est une Denise pleine d’humanité qui se révèle à moi ce soir au téléphone. Cela te permet d’être encore plus entière en te donnant accès à la partie d’ombre qui t’habite.

Je lui répète que je suis honorée qu’elle me fasse le privilège de se laisser voir dans son humanité fragile et blessée. Que c’est en acceptant ce qu’elle vit plutôt que d’y résister qu’elle s’ouvre à la possibilité de grandir et de guérir. En exprimant ces paroles, je sens Denise se détendre et s’apaiser. Elle comprend mieux toute l’importance de s’accueillir avec bienveillance dans cette partie « wouach caca » qu’elle porte en elle. Cela fait partie de qui elle est. Y résister ne fait qu’augmenter la douleur. L’accueillir permet de la transformer.

À la fin de notre conversation, Denise me remercie pour mon temps et mon écoute. Mais Denise, c’est surtout à toi que tu dois dire un GROS MERCI. Un gros merci d’avoir demandé de l’aide et d’oser te reconnaître vulnérable et démunie. C’est à toi que tu dois dire merci de te donner accès à un aspect important de ton humanité. Cela fait de toi une femme plus entière … et à mes yeux, encore plus attachante. Je termine en lui disant : Tu sais Denise, je t’ai toujours beaucoup appréciée et ce soir je me sens encore plus proche et plus aimante de toi parce que tu m’as fait le cadeau de me donner accès à ce qu’il y a de fragile et d’écorché en toi. Merci Denise d’être 100% toi-même, sans avoir rien à prouver ni rien à cacher.

Quelques jours plus tard, elle me rappelle pour me dire qu’elle allait beaucoup mieux, car elle avait pris le chemin de s’accueillir avec amour dans tous les aspects de son humanité !

P.S : Denise est vraiment une amie et c’est une vraie histoire. Elle a approuvé tant l’idée que le contenu de cet article. Je veux juste vous rassurer, si vous venez me consulter comme professionnelle de la relation d’aide, je ne vais pas raconter votre histoire dans le journal. Je travaille avec une éthique de totale confidentialité.

Linda Léveillée