Mes petites voix intérieures

Entre le moment où vous avez lu le titre de cet article et celui où vous avez commencé à en lire la première phrase, votre cerveau a déjà eu le temps d’émettre des jugements rapides. C’est tout à fait normal, notre cerveau est programmé pour penser, réfléchir, analyser, réagir. Ça pense tout le temps dans notre tête. Des pensées, on en produit des milliers par jour. Même quand on dort, ça pense encore, par contre c’est l’inconscient qui prend le relais à travers nos rêves, pour nous aider à intégrer et équilibrer ce qui s’est passé dans notre journée … et notre vie.

Ce que je veux aborder aujourd’hui, c’est l’importance de s’arrêter, au cœur du flot ininterrompu de nos pensées, à celles qui sont reliées à l’image et aux croyances que l’on a de soi-même. Ce que je me dis en silence, sans que personne ne puisse l’entendre, de moi à moi. Ce qu’on appelle nos petites voix intérieures. Ces petites voix sont extrêmement révélatrices pour en apprendre sur nous-mêmes. D’autant plus qu’en général, elles sont spontanées et automatiques. Le défi c’est d’en prendre conscience. De les attraper au passage afin de faire un travail de détective sur soi-même. L’intention, c’est de capter, au cœur de notre interminable bla-bla intérieur, les affirmations qui nous concernent afin de les sortir de l’ombre et de les mettre en lumière. Bien qu’elles soient silencieuses, il est indispensable de les entendre. Elles sont moins dangereuses quand on les débusque que si elles s’infiltrent insidieusement sans que l’on s’en aperçoive.

D’emblée, on peut dire à propos de nos petites voix sur nous-mêmes qu’il y en a deux types. Les nourrissantes, celles qui sont valorisantes et qui font grandir et celles qui polluent, qui sont toxiques et dévalorisantes. Les premières, on les souhaite et on cherche à les entretenir. « Je suis bonne ». « Je suis fier de moi ». « Je suis capable ». « J’aime qui je suis ». Les deuxièmes ont une énergie corrosive et destructrice. « Je ne suis pas belle ». « Je ne suis pas assez intelligent ». « Je ne mérite pas de … ». « Je ne réussis jamais rien ». «Il n’y a pas un homme qui va s’intéresser à moi ». Et tutti quanti. Malheureusement, la liste de nos reproches est, en général, beaucoup trop longue et paradoxalement celle de nos félicitations bien trop courte.

Si on prend le temps de s’y arrêter sérieusement, on réalise que l’on est parfois son pire ennemi. On a la gâchette rapide pour se taper dessus et se critiquer. On devient ainsi victime de soi-même. On s’autosabote en se dénigrant. Il est grand temps de récupérer son pouvoir et de mettre fin à cette habitude destructrice avant qu’elle ne devienne maladive. L’heure est venue de s’offrir un regard de compassion et de tendresse pour nourrir le meilleur de soi.

La première étape consiste à devenir conscient-e de ce que l’on se dit dans sa tête. De jouer au détective avec soi-même afin de réaliser toutes les petites voix polluantes qui passent dans notre cerveau comme si de rien n’était. On doit apprendre à les entendre, à les capter et à les déloger, car disons le haut et fort, elles sont toxiques ! Même si on a envie de les banaliser, elles n’ont rien de banal. Si je me répète souvent que je suis con ou conne, je vais finir par y croire et à agir de la sorte. Il y a bien assez dans notre vie de toutes les fois où on a été critiqué (et où on le sera certainement encore) sans qu’à notre tour on prenne le relais de se juger sévèrement.

L’exercice que je vous propose se compare à celui d’enlever les mauvaises herbes d’un potager ou d’un jardin. Ce sont les fleurs et les légumes que l’on veut cultiver, pas les mauvaises herbes. C’est le même désherbage que l’on doit entreprendre dans notre langage intérieur. Ce sont les petites voix aimantes et encourageantes que l’on veut nourrir, pas celles qui empoisonnent et qui tuent.

Pour jouer au détective de ce qui se dit dans votre tête, je vous propose un petit exercice bien concret. Dans votre journal, ou sur une feuille que vous allez traîner dans votre poche ou votre sacoche, de façon à ce qu’elle soit accessible en tout temps, vous allez systématiquement écrire vos petites voix « mauvaises herbes » au fil de la journée. Soyez vigilant-e, car c’est facile de s’en faire passer des petites vite. Le soir avant de vous coucher, vous relisez vos petites voix polluantes et vous vous dites, une petite larme à l’œil : « Mon dieu, je suis bien dur-e avec moi-même ». – Ça y est, la reprise de pouvoir est commencée. –

Il est maintenant temps d’entreprendre le travail de recadrage. Vous confrontez vos petites voix avec la réalité, et ce, avec le plus d’honnêteté possible. Est-ce vrai que personne ne m’aime ? Est-ce vrai que je ne réussis jamais rien ? Permettez-vous de remettre en question ces croyances toxiques qui ne passent pas le test de la réalité. Ensuite vient l’étape cruciale de la reprogrammation. Vous reformulez chaque intrus indésirable dans une perspective de bienveillance à votre égard. J’ai de la valeur. Je vais réussir. Ce n’est pas grave si j’ai fait une erreur. Vous inscrivez ensuite précieusement sur votre feuille ou votre journal ces belles affirmations porteuses de vie. Et vous vous les répétez le plus souvent possible pour les ancrer et les intégrer.

Je vous garantis que si vous jouez au détective pour débusquer et transformer votre langage intérieur, après quelques semaines dans le rôle de Sherlock Holmes, vous allez sentir que c’est la partie bienveillante qui a repris le pouvoir sur ce qui se dit dans votre tête. Et ce sera une très belle victoire ! Victoire, parce que la façon la plus puissante de changer sa vie, c’est de changer sa façon de penser. Ce sont nos pensées qui influencent nos émotions et celles-ci à leur tour déterminent nos actions. Vous voulez améliorer votre vie, commencez d’abord par changer ce que vous vous dites dans votre tête.

Si le processus que je vous partage actuellement vous interpelle, vous pouvez l’appliquer dans deux autres situations similaires. Vous reprenez votre habit de détective, mais cette fois-ci pour débusquer tout ce que vous vous dites sur les autres (vos jugements, vos critiques, vos préjugés) afin de transformer ces réactions défensives en intentions bienveillantes. Je vous préviens que l’exercice est exigeant, car il nous fait prendre la mesure de notre part d’ombre et le chemin qu’il reste à parcourir pour être pur amour.

Le même travail d’attention peut aussi s’appliquer pour prendre conscience de vos ruminations, votre chialage et vos lamentations. En fait, de toute l’énergie négative et de victime dans lesquelles on peut trop facilement se complaire si on n’y prend pas garde. Vous poursuivez ensuite votre introspection avec les deux étapes de recadrage et de reprogrammation. Votre effort de vérité sera récompensé, car vous serez ainsi davantage libre de voir les choses autrement et de plonger votre vie dans la reconnaissance et la gratitude. Je vous l’assure, bénir fait pas mal plus de bien à notre santé mentale et physique que de maudire !

Si vous voulez vous amuser à ajouter un volet encore plus thérapeutique à votre démarche, je vous propose de trouver un nom humoristique à vos petites voix. Rire de soi, avec complicité aimante, permet de prendre les choses avec une certaine distance et plus de légèreté.

En cette période de l’année où l’on s’apprête à hiverner, je vous souhaite un beau jardinage intérieur pour que fleurissent dans votre tête compassion et gratitudes. Et ce qu’il y a de mignon, c’est que ni l’une ni l’autre ne craint le froid et qu’elles poussent toute l’année.

Linda Léveillée